La bourgoise sens dessus-dessous
Une fragrance fruitée flottait dans l’air, imprégnant la chambre d’une ambiance accueillante et apaisante. Le blanc dominait l’environnement. Ici et là des tons jaune pastel dansaient sur les objets, les meubles, le plafond, grâce aux lampadaires disséminés aux quatre coins de la pièce. Un lit immense surmonté d’un voile soyeux promettait des soirées mouvementées aux clients friands de coconnage à foison. Au milieu de cet antre de luxure, un canapé trônait fièrement, tout aussi immaculé que le reste. À ses pieds, une moquette bouclée promettait une douceur inégalée au toucher. Ainsi elles l’imaginaient. Et ces miroirs…
Lee posa la carte dans l’emplacement prévu à cet effet dans un boitier contre le mur et ferma la porte. Emma, quant à elle, était familière de ce genre de confort, conséquence directe de la fortune de son mari. Elle ne paraissait aucunement impressionnée, marchant vers la baie vitrée donnant sur un balcon minimaliste qui offrait une vue imprenable sur le jardin du Wynn. À son passage, elle posa gracieusement son sac sur la table basse et en sortit un téléphone portable dont elle vérifia d’un œil peu attentif son contenu. Rien ne semblant la perturber, elle repartit vers son but.
Un faux but, sa véritable cible ? Faire bouillir le désir de sa partenaire. D’un déhanchement calculé, une œillade jetée subtilement en arrière pour hameçonner sa proie, Emma se jouait de Lee avec réciprocité. Au moment où ses doigts manucurés de rouge se profilèrent vers l’ouverture de la baie, le reflet de la silhouette élancée de la grande Japonaise se dessina dans son dos. La main de Lee se referma sur celle d’une Emma toute en émois.
— Vous êtes à croquer !
La voix de Lee vola tel un murmure de désir flagrant au creux de l’oreille de la dame au bord de l’impatience. La réponse attendue et entendue ne plut guère.
— Vous n’êtes pas la première à me le dire !
Dans la vitre, le visage de son amante se referma en la fixant assez durement. Cette dernière imaginant sûrement les nombreuses mains qui l’ont touché, caressé, pénétré. Emma rit de son mécontentement, trouvant la situation délicieusement amusante. Elle lui effleura la joue avant de lui susurrer :
— C’est à vous que je suis ce soir ! Cessez vos simagrées et aimez-moi !
Aimez-moi !
Un terme non choisi au hasard. Elle n’employa pas le mot « baiser », car ce n’était nullement ce qu’elle recherchait en cette soirée bien avancée. Sans doute que celle qui la convoitait ne voyait en elle qu’un corps à prendre. Une supposition qui s’évanouit lorsque sa joue effleura la sienne et qu’elle sentit ses mains se poser avec délicatesse sur ses hanches. Emma ne saurait lire avec certitude dans le regard en amande de la demoiselle. Pourtant, cette dernière ne se comportait pas comme un coup d’un soir. Souhaitait-elle plus ? Il le fallait.
— Aimez-moi ! répéta Emma.
Une supplication ? Que Lee ne prolongea pas.
Oui ! Fut la réponse à vos questions silencieuses.
Ô oui ! Lee voulait plus qu’un coup d’un soir.
Hum ! aimer et pas baiser !
Son cœur, celui de la féline Asiatique, tambourinait si fort qu’il résonnait jusqu’à ses oreilles. Il fallait conquérir le corps, mais surtout le cœur de la dame en cette nuit d’été. Le bout de ses doigts longea chaque côté de la robe, pour continuer sa progression au ras du tissu, atteignant cette chair à fleur de peau. Tandis qu’elle observait les réactions de sa conquête dans la vitre, Lee remonta lentement, très lentement le vêtement jusqu’à effleurer la limite de cette intimité tant voulue.
Emma en ferma les yeux, frissonna à ce contact délicieux. Elle s’en pinça les lèvres tout en caressant la nuque de la joueuse de black jack. Par moment, sa chair hoquetait malgré elle. Si la mariée infidèle supposait qu’elle jouirait aux premiers assauts de la conquérante, il n’en fut rien.
Ô oui !
Lee imaginait bien autre chose dans son esprit sur le plaisir qu’elle souhaitait lui offrir. Après avoir montré aux yeux de ceux se promenant dans le jardin, les cuisses nues et le triangle excité d’Emma, elle frôla ses hanches jusqu’à sa poitrine. Lentement, toujours très lentement. Que chacun de ses touchers la fasse frémir… d’impatience ou d’envie de plus. L’un de ses index se faufila entre le bonnet et la peau laiteuse, titillant au passage le téton fort réjoui de cette caresse.
Leur regard se croisa au détour d’un reflet. Elles ne se quittèrent pas un instant des yeux. Même quand les doigts entreprenants de Lee remplacèrent le tissu cachant les seins d’Emma. Ce massage à la vue d’inconnus leur enlevait toutes inhibitions. Pire ou mieux, elles aimaient, adoraient, vénéraient s’exhiber ainsi. Ce n’était point le mari cocufié qui aurait pris Emma de la sorte. L’aurait-elle seulement voulu ? Non ! certaines barrières ne pouvaient être franchies.
La robe repliée sur son ventre, ses seins libérés, son antre rasé au millimètre près, elle s’offrait sans partage à cette Japonaise sublime. Dont les effleurements incessants montraient à quel point c’était une experte dans son art… d’aimer. Sa bouche fine lécha le lobe d’Emma qui cramponna le pantalon de Lee à la griffer malgré le tissu. Si la joueuse toujours vêtue en reçut une quelconque douleur, elle n’en fit rien paraitre. Appréciait-elle ?
Son impatience arriva à sa limite. Emma guida la main de sa partenaire entre ses cuisses, vers l’arrière comme dans l’ascenseur. Elles se fixèrent, le sourire de Lee en disait long sur son plaisir de reprendre où elle s’était arrêtée.
Ô oui ! sentir ses doigts en Emma, Lee n’attendait que ça. Elle se glissa entre les lèvres enivrées d’humidité intime de la brune provocante. Doucement, toujours doucement… Pour l’instant !
Elle ne s’aventura pas tout de suite en elle, en sa partenaire, en Emma, la fille de ses rêves. La pulpe de son doigt resta à l’entrée coulant de plaisir. Offrant de petits ronds calculés, cumulés à des baisés appuyés dans ce cou d’une blancheur affolante.
Ô ! que son parfum lui tournait les sens, Lee aspirait cette odeur en fermant les yeux. Ses poumons en frémirent d’en sentir plus. Emma, une femme craquante à croquer. Non ! Une femme aimante à aimer, elle en était persuadée.
À tort ou à raison, Lee souhaitait y croire.
— Pénétrez-moi !
Supplia cette fameuse dame qui voulait que son extase augmente jusqu’à l’orgasme.
— Masturbez-vous !
Une demande, un ordre de Lee ?
Emma ne se fit pas prier et caressa son clitoris avec délicatesse. Elle ne sentit pas qu’un doigt entrer en elle et commencer des vas et viens. Et plus la cadence prenait de l’ampleur et plus ses propres doigts gratifiaient son sexe d’autant de prévenance.
Des baisers contre sa chair sensible au moindre attouchement.
Des doigts qui bougeaient en elle.
Une main qui jouait avec l’un de ses seins, tirant sur son téton…
Ô ! Est-ce seulement cela qui la rendait toute chose ?
Ô non ! Cette exhibition de sa personne offerte au jardin de l’Hôtel et ses habitants d’un soir… l’excitait !
Ô non, hum ! s’observer dans le reflet de la baie vitrée, la robe sur ses hanches, les jambes écartées où elle voyait cette main gracile s’enfoncer en elle, ses seins sous le joug attentif de la joueuse de Black Jack…
Ses appuis faiblissaient. Emma se tient à la vitre, sa respiration saccadée parsemée d’apnée non contrôlée ne l’aidait pas à se retenir. Lee la prit par le ventre tout en continuant son investigation minutieuse.
— Vous êtes magnifique Emma dans cette position !
Emma s’en mordait la lèvre inférieure de l’entendre murmurer des mots dans son oreille attentive. Aucune vulgarité, mais ceux choisis rendait son prochain orgasme si …c’était indescriptible.
Son corps se crispa, ses ongles rayèrent la vitre. Sa masturbation alliée aux mouvements puissants et réguliers de Lee l’assomma d’une jouissance sans pareil.
Ses yeux grands ouverts sur le monde hors de cette baie clamaient : Ô oui ! regardez-moi, je jouis !
Lee la rattrapa dans ses bras tout en l’embrassant sur la joue.
— Vous allez bien ?
Emma se remit doucement de ce plaisir intense. Elle fut surprise que sa partenaire lui demande ceci. Quelle tendresse ornait ses mots ! Emma décida de ne pas s’en inquiéter, quoique…
L’infidèle se retourna langoureusement en frottant son séant contre le bas ventre de la belle Asiatique, posa ses mains sur ses joues dont les pousses volaient avec grâce et féminité sur les lèvres qui s’offraient à elle. Un baiser… languissant, passionnel, doux, timide, peu importe. Ses lèvres contre ses lèvres, c’est ce qu’elle désirait à cet instant. Et c’est ce qu’elle eut.
Ce baiser ne passa pas la barrière de la sauvage possessivité comme elle aurait pu le croire. Comme certaines autres ont été avec elle.
Non ! leurs langues apprenaient à se connaitre avec une once de timidité.
Ô non ! leurs lèvres se touchaient avec une pincée de sensualité.
Hum ! leurs bouches, celle d’Emma en particulier aspirait, mordillait celle de Lee avec envie.
Elles se souriaient. Le bras de Lee entourait le dos d’Emma qui leva les yeux sur ce visage angulaire aux pommettes saillantes. Cette dernière eut un instant de recul devant cette sincérité qu’elle lisait dans ce regard intense, trop intense peut-être. Emma lui prit les joues et passa sa main sur les lèvres de Lee, comme si elle désirait effacer son baiser.
Pourquoi ? regrettait-elle son baiser sans sentiment ?
Sans sentiment ?
Une petite voix en elle lui susurrait : est-ce bien qu’elle s’attache à moi ?
Voyant l’hésitation sur le visage de sa conquête, Lee craignait qu’elle découvre son véritable émoi à son égard. Cela pourrait-il la faire fuir ? C’était son unique chance cette nuit, elle se décida pour un coup de poker.
— Votre aventure sans lendemain vous convient-elle ?
L’Asiatique lui souffla cette question pouvant paraître anodine au creux de l’oreille d’Emma avant de déposer plusieurs baisers le long de son cou. Ainsi, la belle qui incendiait son corps et son âme ne verraient plus son désarroi.
Quant à Emma, ce fut presque un soulagement qu’elle se soit… peut être… trompée. Faire l’amour à cette femme était en soi, au-delà des règles imposées. Et pourtant, depuis que leurs regards s’étaient croisés, la moindre parcelle de son être ne rêvait que d’elle, son esprit la malmenait à chaque séparation. Quelque chose ne convenait pas, Emma le savait. Une limite, une maudite limite allait ou avait été outrepassée.
L’infidèle imita Lee, un peu à contrecœur. Décidément cette contradiction la désarmait. En revanche, son corps lui, brûlait encore, le feu ne s’éteignait pas malgré ce moment de flottement flagrant. Emma se colla à ce corps mince pour lui répondre :
— Ai-je l’air déçue ?
Au moment où ses mots effleurèrent ses lèvres dans une vaine répartie, Lee sentit les doigts de sa belle s’infiltrer au bord du tissu de sa veste. De la base de son menton jusqu’au milieu de ses seins nus. Lee mit la tête en arrière en soupirant d’aise. Un frisson lui parcourut le dos, tellement ce léger frottement ralluma son désir qui faillit se perdre.
— Ne vous avais-je pas dit que je libérerais cette belle hirondelle ?
Lee, à la surprise d’Emma, enleva son collier pour la mettre autour du cou de sa partenaire. La réplique ne vint pas, bloquée par un baiser voluptueux. Les mains de l’Asiatique féline placées sur ses hanches empêchèrent une possible fuite d’Emma. Le voulait-elle seulement ?
Ô que ce baiser ranima leur fougue apaisée. Emma aspira la langue de Lee qui en gémit sans retenue. Elle sentit même les doigts s’enfoncer dans sa chair, malgré le tissu de sa robe.
— Elle vous appartient dorénavant ! lui susurra Lee.
L’épouse volage caressa l’hirondelle, encore plus perplexe. Est-ce ainsi que Lee procédait pour ramener les femmes sous ses draps ? Un cadeau par ici, du sexe par-là ?
— Merci. Un présent apprécié. Vous êtes folle !
Lee aurait voulu rajouter : de vous !
Mais resta silencieuse.
Emma défit les boutons de la veste, un à un. Et ses mains passèrent sur les hanches très minces de la demoiselle pour remonter le long de son dos. Un baiser entre ses petits seins d’adolescente, elle fit glisser le vêtement pour qu’il s’échoue à leurs pieds.
Était-ce au tour de Lee d’être aimée ?