La Flambeuse enflammée
23 h 25, le lendemain de cette fougueuse rencontre qui annonçait les prémices de nuits torrides en devenir, Emma, installée confortablement au bar de l’hôtel, attendait avec une certaine impatience l’hôte de ses pensées chaudes. Ce qui la rendait toute chose. Ses lèvres goûtaient avec délectation ce champagne à la renommée internationale tout en observant les aiguilles de l’horloge murale, approchant trop lentement de l’heure tant attendue.
Un homme de belle prestance, bien de sa personne, sûre de son charme à n’en pas douter, l’accosta avec un sourire charmeur.
— Madame ! Me feriez-vous l’honneur d’accepter de boire en ma compagnie ?
Le trentenaire à l’égo certain claqua des doigts afin que le serveur l’entende et lui obéisse sur l’instant. D’un index autoritaire, il indiqua que son verre méritait d’avoir son jumeau.
— Non merci ! Ce ne sera pas nécessaire. Annonça sans préambule la croquante Emma qui ne se fera pas croquer ce soir par cet enquiquineur.
Son verre de champagne tenu par ses doigts graciles s’interposa entre elle et cet opportun. Ce dernier ne comprit pas le message. Il osa se rapprocher de la dame à la patience limitée qui s’empressa d’accomplir un geste qui l’interrompit dans sa conquête. Cette même coupe contenant une boisson soi-disant aphrodisiaque, se leva en direction du miroir offrant un panorama sans pareil sur la salle.
Les sourcils de l’homme à l’instinct dragueur se froncèrent. Son regard curieux se posa dans un premier temps sur ce même miroir entouré de crues tout aussi prestigieux les uns que les autres. Une Asiatique mimait la femme au cœur de glace, mais au corps de feu qu’il convoitait. En réponse, elle haussait un verre de whiskies, semblerait-il. L’homme d’affaires venu assouvir ses instincts les plus bas pour décompresser de sa journée se retourna pour faire face à cette rivale. Le crut-il ? Et il n’aurait point tort sur le sujet.
Lee, avec son air délétère, se plaça au côté de cette femme attirant nombre de prétendants et prétendantes. Si vous étiez attentif et attentive aux œillades lancées dans sa direction provenant des quatre coins de cet antre aux saveurs alcoolisées, vous en seriez convaincus.
Mais qu’en était-il de notre business man ? S’il espérait encore gagner les faveurs d’Emma Durieux, il capitula quand la coupe de champagne clinqua contre le verre de Whiskies. Fallait-il rajouter ce jeu de regard complice et crapuleux s’insinuant entre les deux femmes ? Qu’il aurait été idiot de l’ignorer, mais surtout d’insister. Un combat perdu d’avance. D’un signe de la tête en avant, souligné par un sourire entendeur, il s’éclipsa.
Toute de blanc vêtu, du pantalon aux larges pattes, au gilet échancré mettant en valeur cet oiseau désirant une liberté méritée, Lee gratifia à Emma un compliment :
— Vous êtes magnifique !
Puis se pencha pour lui susurrer :
— Et incroyablement sexy.
Le souffle chaud au creux de son oreille émoustilla Emma qui en gonfla sa poitrine. La moitié de l’un de ses tétons se glissa au bord de son bonnet joliment garni de dentelle rose pâle. La flambeuse en sourit de l’effet produit. La mariée en mode célibataire en cette fin de soirée remonta le haut de sa robe en émettant un petit rire qui ne montra aucune gêne, bien au contraire.
Lee se profila au-devant de l’incendiaire qui captiva tous ses sens, jusqu’ au plus profond de son intimité. Au moment où sa langue allait se délier pour amorcer un début de discussion anodine, un petit sac à main de la marque Louis Vuitton, assortie à la robe vermillon de sa propriétaire, tomba entre le tabouret et le bar.
L’arnaqueuse ou l’arnacoeur, à vous de choisir, se baissa pour récupérer l’objet. Le mouvement des jambes de sa partenaire de ce soir l’obligea à observer dans leur direction. Emma décroisa les cuisses qu’elle garda ouvertes quelques secondes avant de les recroiser.
Les yeux de la féline Asiatique rivés sur son entrejambe libéré de son éternel carcan en tissu, ne manqua pas d’amorcer cette excitation déjà bien entamée par ses films imaginaires. Quelle ne fut pas sa surprise, quand Emma sentit des frôlements souligner le muscle de son mollet, et insister jusqu’à son genou nue. Elle s’électrisa. Un doux frisson lui parcourut l’échine accompagné d’une étrange sensation dans son bas ventre, ce n’était point une douleur, mais elle ne pouvait déchiffrer ce ravissement. Emma contracta ses muscles vaginaux pour contrôler cette émotion, en vain.
— Ceci doit vous appartenir, Madame Durieux !
La dame en question se mordait le coin de la lèvre inférieure en se moquant des regards s’agglutiner sur leur personne.
— Effectivement ! Se reprit-elle. Je vous en remercie, lui murmura-t-elle sur le ton du secret en avançant son visage vers la belle aux yeux bridés. Dites-moi, avez-vous apprécié la douceur de ma peau ? continua Emma en mettant son bien sous le bras.
La taquinerie s’entendait dans chacune de ses syllabes. Lee termina son whisky d’une traite qu’elle déposa sur le comptoir auprès du verre de la coquine aussi joueuse qu’elle pouvait l’être. Employant le même ton murmuré par sa belle convoitée, elle lui releva dans ses termes :
— Je me suis permis de prendre une suite pour que nous puissions apprendre à mieux nous connaitre et j’espère ainsi… répondre à votre question avec plus de minutie.
Sans préambule, Emma tendit sa main que Lee entoura de la sienne pour l’aider à descendre du haut tabouret. Un sourire taquin en appelant un gourmand, un regard complice échangé, la grande femme féline embrassa d’un doux baiser le dessus de cette main tendue. Un geste apprécié, soulevant bien des envies difficilement dissimulables.
Elles marchèrent côte à côte jusqu’à l’ascenseur, proche très proche l’une de l’autre. Lee, avec fermeté, plaça sa main au niveau de la taille de sa partenaire en devenir sur bien des points. L’espérait-elle. Les portes s’ouvrirent et Lee guida sa promise aux déhanchés impudiques vers la paroi du fond. Elle se plaça de telle sorte qu’Emma se retrouva devant elle, légèrement sur son côté droit. Elle lui murmura alors :
— Me permettez-vous de me jouer de vous ?
D’autres clients entrèrent à leur tour et les cachèrent de ce plaisir inavouable qui les tourmentait. Emma tourna légèrement ses lèvres envoûtantes vers sa complice malicieuse pour lui susurrer à son tour :
— Jouer !
Ses yeux s’agrandirent en même temps que le soubresaut de l’ascenseur en mouvement qui la déséquilibra. Sa partenaire d’origine japonaise, métissée de surcroît elle le savait, la retint par la hanche avec autorité et délicatesse. Étrangement et sans en comprendre la raison, Emma se sentit protégée … entourée d’une aura possessive, doucereuse et fortement appréciée. D’un soupir très discret, elle se sermonna intérieurement d’avoir ce genre de réflexion. Un coup d’un soir n’était point un acte vu pour la pérennité.
Les discussions allaient bon train dans le lieu étroit ou chaque arrêt sonnait le départ et l’arrivée de gens de tout niveau social. Certes, plus les étages s’agrémentaient d’un palier et plus les personnes montaient également en gamme.
Tout comme cette chaleur corporelle qui faisait rougir les pommettes d’un rose pastel encore discret d’Emma.
Son fessier joufflu jouissait de caresse soutenue. Un doigt, parfois deux suivaient les plies de sa robe à la limite de ses cuisses. Ce tissu soyeux étant un garde-fou bien relatif face à cette tentative d’infiltration. Elle fut surprise de cette invasion secrète et bien menée. Emma souriait pour donner le change à quelque regard curieux et n’engagea aucune conversation qui couperait cette audace qui l’excitait au plus haut point. Jamais encore elle n’eut connu un jeu aussi prompt à lui gonfler la poitrine avec autant de ferveur. Elle crut même avoir arrêté de respirer. Surtout quand la pulpe des doigts de l’assaillante toucha sa peau et glissa entre ses cuisses serrées. Elle les ouvrit pour passer un message des plus clairs.
Lee, jusque-là stoïque, ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en coin de contentement. Si les clients évitaient son regard glacial, en elle, brûlait un plaisir troublant pour sa conquête. Sa fierté d’amante appréciait l’humidité qui accueillit ses doigts coquins. La dame était en feu.
Sur le cadran relevant le numéro de l’étage, celui de la « suite » réservée arrivait à grands pas. Un peu plus grande qu’Emma, elle profita de cette vue imprenable sur la poitrine de la belle incendiaire qui se bombait et se dégonflait au rythme de son plaisir inavouable quand cette dernière ne la cachait pas de son bras. Voulant, certainement, gérer ces émois en mettant sa main devant ses lèvres dont elle mordait celle du bas. Lee, un peu perverse sur les bords, se jouait de l’intimité de cette magnifique femme en robe rouge. Elle frôlait, titillait à peine, pinçait même cette chaire frivole et attendait avec une patience redoutable le moment opportun pour son ultime attaque.
— Nous sommes à l’étage suivant. Clama d’une voix douce et peu forte l’arnaqueuse au creux de l’oreille de sa victime, qui ne l’était pas tant que cela.
Emma ne bougea son visage que d’un quart pour valider l’information de celle qui la rendait toute chose à cet instant. Elle se concentrait surtout sur le touché si sensible s’insinuant entre ses lèvres gorgées de plaisir. Ce majeur titillait l’entrée de son antre intime en effectuant des petits ronds trop magnanimes à son gout. Emma en oubliait presque où elle se trouvait.
Certes, les deux futures amantes ne devaient gérer qu’une quarantenaire abdique de son téléphone portable, tellement concentrée sur les publications dénuées d’humanité qu’elle aussi en oubliait le monde qui l’entourait. À moins que… gênée par la situation, elle préférât les ignorer ? Bien lui prit !
Lee retira sa main aux doigts mouillés pour replacer correctement la jupe de la dame avant l’ouverture de la porte. Les joues rouges, et reprenant une grande inspiration pour se remettre de cet intermède ressemblant à un préliminaire avant l’heure, elle confia à l’Asiatique toujours aussi fière :
— Vous vous amusez souvent au détriment de vos partenaires ?
Bien sûr, aucun reproche dans cette question, seulement une interrogation qui lui titillait l’esprit. Elles sortirent comme si de rien paraissait. Lee attendit que la porte de l’ascenseur se referme pour lui répondre d’une voix lancinante :
— Si je vous avouais que c’était la première fois, me croyiez-vous ?
D’un geste amusé, Emma entoura son bras autour de celui d’une Lee tout accaparée par la seule pensée d’aimer cette femme singulière.
— Sincèrement, j’ai des doutes !
Le rire de la belle aux yeux en amande résonna dans le couloir. Spontané, cristallin. Emma n’entendait aucune fausseté dans ce dernier.
— Vous êtes l’unique femme avec qui j’ai envie de défier l’interdit. Vous êtes si attirante…
Lee le pensait.
— Êtes-vous de ceux qui souhaitent baiser l’épouse de l’homme d’affaires pour un projet juteux ?
La métisse d’origine japonaise posa sa main sur le bras de celle qui l’accaparait sans partage. Elle savourait sans arrière-pensée cette peau si douce et ne put s’empêcher de laisser vaguer son pouce à de petites caresses tendres. Nous étions bien loin des péripéties de l’ascenseur.
— Ce serait vous mentir de vous déclarer que je n’y ai pas pensé. Seulement…
La féline asiatique réfléchir aux mots employés.
— Seulement, trouver d’autres associés me semble plus simple que d’avoir cette chance de vous aimer. Vous avez encore la possibilité de reculer ma chère.
Dans l’immense couloir au sol moquetté d’un rouge aussi flamboyant que la dame à son bras, aux murs dorés aux fresques luxueux, Lee fixait Emma. Leurs regards s’unirent dans un échange étrange. Un mélange d’interrogation, d’envie de croire en l’autre. Lee, l’arnaqueuse jouait-elle ? Qu’en pensez-vous ?
Emma ne répondit que par un sourire rassurant et reprit cette marche vers leur destinée amoureuse. Complice ? Teinté de mensonge ?
Une épouse malheureuse dans son couple, aimant les femmes qui s’offraient à elle de leur bonne attention. Peut-être…
Une filouse ne vivant que pour l’argent, utilisant les femmes mariées pour conquérir la fortune de leur mari ? Surement…
Le cœur de Lee battait à s’en décrocher de sa poitrine. Il ne réagissait plus ainsi depuis bien des lustres, depuis qu’elle-même se fit arnaquer par celle qui lui apprit les ficelles de ce métier d’arnaqueuse. Dès que son dévolu se jeta sur Emma Durieux, elle donna le change à son associé pour s’en approcher, lui faisant croire qu’une autre femme désœuvrée tomberait dans ses filets. Des mois où sa raison se battait contre son cœur.
Aujourd’hui, ce soir, un choix se profilait, ne l’avait-elle pas pris ?
Aimer pour trahir.
Aimer pour aimer.
Aimer pour se sentir aimée à son tour.
Lee glissa sa carte dans le système d’ouverture de la chambre, poussa la porte et laissa sa gente dame à la sensualité exacerbée entrer la première. Le plafonnier s’alluma sans attendre pour qu’elles découvrent cette suite parfaite pour leur moment à deux.